26 août 2013 - Remise à titre posthume de la médaille « des Justes parmi les Nations » au Commandant Pierre PINSON

Mis à jour le 23/05/2018
26 08 2013

En ce lundi 26 août 2013, une fois encore, le souvenir nous rassemble.

Le souvenir de millions d’hommes, de femmes et d’enfants juifs, victimes de la folie nazie.

Le souvenir de familles à jamais séparées, de vies à jamais brisées. Mais le souvenir aussi de tous ceux, très nombreux, qui, n’écoutant que leur cœur et leur conscience d’homme, sauvèrent leurs compatriotes.

Il est toujours aussi douloureux d’évoquer ces heures noires qui souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à nos traditions.

Trahissant les valeurs et la mission de la France, le gouvernement de Vichy s’est fait le complice, parfois zélé, de l’occupant.

La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux. L’horreur ne faisait alors que commencer pour les déportés juifs de France, dont 76 000 ne reviendront pas des camps de concentration.

Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible.

La Thora fait à chaque juif devoir de se souvenir. Une phrase revient toujours qui dit : « N’oublie jamais que tu as été un étranger et un esclave en terre de Pharaon ».

Fidèle à sa loi, mais sans esprit de haine ou de vengeance, la communauté juive se souvient, et toute la France avec elle. Pour que vivent les six millions de martyrs de la Shoah. Pour que de telles atrocités ne se reproduisent jamais plus. Pour que le sang de l’holocauste devienne, selon le mot de Samuel Pisar, le « sang de l’espoir ».

Notre pays doit continuer d’assumer son histoire, le blanc comme le gris, les heures de gloire comme les zones d’ombre. C’est pour cela, pour bâtir son avenir sur des bases claires, qu’il accomplit aujourd’hui comme hier son difficile travail de mémoire.

Quand souffle l’esprit de la haine, avivé ici par les intégrismes, alimenté là par la peur et l’exclusion ; quand, à nos portes, certains groupuscules, certaines publications, certains enseignements se révèlent porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d’une idéologie nazie et antisémite, alors l’esprit de vigilance qui nous anime doit se manifester avec plus de force que jamais. En la matière, rappelons-nous que rien n’est insignifiant, rien n’est banal, rien n’est dissociable.

A ceux qui voudraient nier cette réalité, nier ces faits, nier cette Histoire, je dis solennellement  qu’ils seront poursuivis et condamnés avec toute la rigueur de la loi. La science fut dénaturée pour légitimer le racisme. L’Etat n’acceptera pas qu’elle soit dévoyée pour justifier le négationnisme, ce crime contre la vérité.

Se souvenir, c’est aussi transmettre. Il faut que, toujours, l’Histoire soit dite. Jamais la chaîne ne doit se rompre. Nos enfants, nos petits-enfants devront garder au plus profond de leur cœur, poignante comme une douleur et présente comme une menace, la conscience de ce qui s’est passé.

Il nous appartient donc, Mesdames et Messieurs, de faire de cette cérémonie la manifestation de la solidarité durable qui unit ceux qui ont choisi de défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité.

Il s’agit pour cela de reprendre à notre compte l’héritage de celles et ceux qui, aux heures les plus noires de notre histoire, ont permis à la noblesse et à l’espérance de continuer à vivre.

Car ce sont bien la noblesse et l’espérance qui battaient dans le cœur des combattants de la France libre et des résistants, qui battaient aussi et surtout, dans le cœur de tous les Français anonymes, ces « justes » qui choisirent de sacrifier la tranquillité de leur vie pour sauver la liberté, la leur et  surtout celle des autres.

« Justes », ces prêtres qui délivrèrent des certificats de baptême pour venir en aide aux juifs menacés. « Justes », ceux qui, profondément blessés dans leur foi et leur dignité de chrétiens, réagirent publiquement et tentèrent d’intervenir auprès des autorités de Vichy.

« Justes », ces hommes et ces femmes qui, par solidarité, portèrent l’étoile jaune.

« Justes », ces commerçants qui, sans y être obligés, apposèrent l’affichette jaune sur leur vitrine.

« Justes », ces doyens de faculté qui, passant outre aux instructions de leur ministre, refusèrent de communiquer la liste des étudiants juifs.

« Justes », ces policiers, ces gendarmes qui alertèrent les familles juives afin qu’elles puissent échapper aux rafles.

« Justes », tous ceux qui recueillirent ou protégèrent des Juifs, parmi lesquels des millions d’enfants, ceux qui fabriquèrent des faux papiers, qui trouvèrent des abris sûrs.

« Justes », tous nos compatriotes qui ont soutenu moralement et matériellement, dans les conditions difficiles de l’Occupation, des familles juives privées de tout moyen de subsistance.

Ces femmes et ces hommes de toutes conditions, de toutes convictions, de toutes religions, ces « Justes parmi les Nations », nous ne les oublierons jamais. Ils sont la fierté de notre pays. Leur engagement doit nous faire réfléchir au sens des mots honneur et héroïsme.

Souvent dans la vie, et particulièrement dans les heures graves, le doute ou l’hésitation se glissent dans les esprits. Il n’y a qu’une façon de voir clair et de rester irréprochable : penser et agir comme l’honneur le commande. Les Justes l’ont prouvé de la plus éclatante des manières.

L’héroïsme, lui, doit être compris comme la volonté de pousser le sens du devoir jusqu’au sacrifice suprême et de faire don de sa vie pour le triomphe de la cause juste, de ses engagements personnels pour la défense de la Patrie, de la liberté, de la dignité et de l’honneur.

Les « Justes » ont incarné une France capable du meilleur, fidèle à son histoire, à ses racines, à sa culture. Une France de l’audace et de la solidarité, qui surmonte ses peurs et se dépasse pour aller au devant de celles et de ceux qui ont besoin d’elle, de son aide, de sa protection, de son soutien. Une France généreuses, qui refuse l’égoïsme, le repli sur soi, l’exclusion, la discrimination. Une France ouverte et accueillante, unie dans sa diversité, qui porte avec fierté son idéal de justice et de paix en Europe et dans le monde.

De cette France fraternelle, nous devons être fiers. Nous devons la faire vivre et la défendre. Elle doit être, pour nous tous, un choix de chaque jour.

Mesdames et Messieurs, nous devons être fidèles à la mémoire de celles et de ceux qui furent exterminés du seul fait de leur judéité.

C’est pour eux, pour toutes celles et tous ceux dont on a voulu détruire jusqu’au souvenir, que nous n’oublierons pas.

Permettez-moi de citer ces vers de Paul ELUARD inscrits sur le monument d’Auschwitz au cimetière du Père Lachaise à Paris :

« Lorsqu’on ne tuera plus, ils seront bien vengés.

Le seul vœu de justice a pour écho la vie ».

Paul ELUARD rajoutait :

« Si l’écho de leurs voix faiblit, nous périrons ».

Puissions-nous, cet après-midi, mais aussi demain, nous faire encore et toujours l’écho des voix de nos chers disparus.

Aujourd’hui, nous sommes là pour honorer à titre posthume le Commandant Pierre PINSON et remettre à sa fille Yolande et à son fils Claude la médaille des Justes.

à vous ses enfants et petits-enfants, je dis que votre père et grand-père ne doit cette marque élevée de reconnaissance qu’à son action, son courage et son abnégation exemplaires.

Il a, au péril de sa vie, sauvé les familles FENSTER et KLAPHOLZ d’une mort certaine en les cachant, en subvenant à leurs besoins et en leur confectionnant de faux-papiers alors qu’ils figuraient sur une liste de rafles prévues début 1943.

C’est grâce à ces faux-papiers qu’ils ont pu s’enfuir en Savoie d’abord, puis en Suisse.

En qualité de résistant, le Commandant PINSON a tout fait pour garder vivante la flamme du pays de la liberté, en tant que Juste, il a contribué à garantir l’honneur du pays des droits de l’homme.

Il n’a écouté que son cœur et sa conscience; tout au long de sa vie, il aura été guidé par les valeurs de notre pacte républicain, la liberté, la fraternité et l’égalité.

Soyez fiers de lui, Madame et Monsieur, et vous ses petits-enfants. Sachez que nous sommes tous, à vos côtés, très fiers de le compter parmi ceux de nos concitoyens qui ont écrit une belle page de l’histoire de notre pays la France.

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